Le Fléau des Ombres, Malkor

"-Je m'ennuie, Serpent...
-Voudriez-vous que j'appelle quelques sssserviteurs, pour vous distraire, ô mon Maître ?
-Non, ils m'ennuient aussi."

Des ténèbres nimbant les lieux, s'ouvrit deux iris rougeoyantes qui observèrent les ténèbres, sans un profond sentiment de lassitude devant celle-ci.


Presque d'un demi-millénaire avant cette ère, la sorcière Isilia, représentante de nombreux pêchés, offrit sa vie pour faire naître un enfant à la peau pâle. Si ce ne fit ses pleurs, et ses mouvements, on aurait pu le croire né-mort, pourtant dès ses premiers instants, son corps fut nimbé d'une magie de mort telle une malédiction. Les serviteurs de la sorcière s'approchèrent de l'enfant, mais nombreux moururent quelque temps après, d'un mal mystérieux et insidieux. Malkor, ainsi Isilia le nomma-t-elle dans sa prophétie, était un démon spécial, maléfique qui apportait la mort et la désolation, sur ceux qui osaient s'approcher de lui.

Les démons, dirigeant en cette heure le groupuscule de la sorcière, décidèrent pour le bien de tous, que l'enfant soit reclus dans les ruines d'un antique temple, qui appartenait au domaine de la secte, dans la forêt. Ne pouvant s'approcher de lui, au risque de leur vie, ce fût un démon inférieur à la forme de serpent, qui se chargea de l'éducation du rejeton de la sorcière. D'une certaine façon, il semblait que la malédiction n'avait pas pris sur celui-ci, à la surprise des autres, et à leur satisfaction. Ainsi, purent-ils se focaliser sur la prise en main du groupuscule, en l'absence de la sorcière, et plusieurs d'entre eux, désiraient plus que sa bonne conduite, mais également en prendre le contrôle.

Azmoès, le Serpent-Démon, observait d'un oeil attentif ses supérieurs, qui au fil des années, avaient réussi à prendre le contrôle de la secte, utilisant Malkor comme une poupée de porcelaine, pour s'assurer la loyauté des démons inférieurs, et des humains qui servaient le culte. Évidemment, se dit le Serpent, le clan des ombres n'agirait pas, au contraire, mieux vaut-il que cela soit ces démons loyaux qui dirigent, que la sorcière instable qui gouvernait avant eux. Néanmoins, Azmoès avait toujours été loyal à sa maîtresse, et il ne serait pas envers son maître.

Dans les ruines de l'antique temple, glissant entre les débris et les statues, le démon atteignant les cinq mètres, observait Malkor grandir, tout comme sa puissance magique et ne cessait d'y voir, un semblant de sa mère dans le jeune démon. De l'affection, le Serpent lui en offrit mais toujours à distance, aimant rester dans les ombres, ainsi c'était les murmures dans le noir, qu'Azmoès soufflait, que Malkor reçut son éducation. Malkor était un démon intelligent, il apprit rapidement à parler, ainsi qu'à écrire sous les instructions de son professeur, mais ce n'était là que les bases d'un long apprentissage.

La magie de Malkor grandissait, elle devenait dangereuse même pour ceux qui vivaient en dehors du temple. Azmoès, qui avait toujours observé la sorcière avec attention, enseigna à Malkor le contrôle de sa magie, utilisant sans l'ombre d'un remords, des humains servant le culte comme cobayes pour les entraînements du jeune Démon, qui éprouvait un certain plaisir. Cependant, la crainte de finir comme leur congénère, poussèrent les Humains à se plaindre auprès de leurs nouveaux seigneurs, qui rappelèrent à l'ordre, le Serpent.

"-Qui sont ces démons qui te contrarient, Serpent ?
-Cccce n'est rien, mon jeune Maître, n'ayez crainte. Nous avons encore bien des choses à apprendre, nous continuerons vos cours demain."

Hochant la tête vers son instructeur, seul être en qui Malkor sentait du respect et de l’attachement, il laissa ses yeux observer les anneaux du démon glisser vers son antre plus loin dans le temple. Le Serpent était à lui, son Maître et il n'appréciait pas qu'on le fasse souffrir, mais également qu'on cherche à prendre l'oeuvre de sa mère, son héritage, comme s'il était encore qu'un enfant naïf. Cela faisait cinquante ans, son corps était celui d'un enfant, mais plus son esprit. Relevant son corps, Malkor marcha vers le hall qui ouvrait sur la forêt, la nuit était bien avancée tandis qu'il avançait parmi les arbres, observant les lueurs des torches au loin. L'idée d'enfin pouvoir libérer sa magie, lui portait un léger sourire sur ses lèvres tandis que les herbes et les feuilles, devenaient sombres à son approche, se mourant.

Azmoès glissait rapidement entre les dalles et les pierres du temple, sifflant de sa langue pour suivre les traces laisser par son maître. Le Serpent avait eu un mauvais pressentiment, durant sa sieste, lorsqu'il mouva sa langue dans les airs, il ne sentit plus la présence de son Maître au sein des ruines, première cause de son inquiétude. À présent, il filait dans les bois, suivant les odeurs qu'avaient laissées son maître et contemplant les arbres morts sur son chemin, avec crainte. Si quelque chose arrivait à Malkor, il s'en voudrait pour toujours, ou pire, que pouvait-il arriver avec l'enfant en liberté ?  
Perçant les fourrer autour du campement du culte, le Serpent écarquilla ses yeux de reptiles devant les acolytes qui se tenaient à genoux, au pied d'un haut piédestal où gisaient les corps sans vie des quatre démons qui dirigeaient depuis la mort de la sorcière, le culte. Entre eux, Malkor se dressait en affichant un air ennuyé, avant de poser ses yeux vers Serpent, qui semblait soulager.

"-Serpent sera ma voix, car je ne peux vous approcher sans être un danger pour vous. Sachez cependant, que j'apporterais la mort et le malheur sur ceux qui trahiront, l'oeuvre de ma mère."

La main de l'enfant, qui n'en était pas un, désigna Azmoès qui siffla de surprise avant de glisser entre les humains, qui n'osaient bouger à son approche, puis des démons, qui lui montrèrent ce respect qu'on obtient, avec la crainte. Finalement, s'enroulant autour du pilier, Serpent murmura des paroles de remerciement vers Malkor, qui ne réagit en rien. Ce massacre l'avait ennuyé, comme ce culte pourtant Serpent lui avait enseigné l'importance de ces serviteurs, que c'était là le cadeau de sa Mère. Était-ce vraiment un cadeau ?


Les siècles défilèrent, pourtant Malkor restait seul dans ses ruines, Serpent comme unique compagnie. Au fil des années, Serpent lui avait enseigné les principes de sa magie, capable d'aspirer la vie des êtres mortelle, et de s'en servir pour relever les corps sans vie, comme pantins, Malkor aimait celle-ci. Il la trouvait envoûtante, la mort était une chose belle à ses yeux, car elle était silencieuse et triste, peut-être y retrouvait-il le reflet de sa vie. Serpent lui murmurait souvent sa destinée, qu'il apporterait l'ombre sur Endora, la condamnant à une nuit sans fin. Pourtant, son heure n'était pas arrivée, il devait patienter, encore et toujours.

"-Serpent, pourquoi dois-je donc rester cacher en ces ruines ?" Demanda t-il, un soir.
"-Nombreux ssssont vos ennemis, mon Maître. Vos dons peuvent vous apporter une vie éternelle, lorsque vous ssserez les maîtriser, vous ssserez un dieu, celui qui règnera ssssur la mort, elle même. Mais...Ce n'est pas encore le moment, vous avez encore à apprendre."

Fut la réponse de Serpent, plongeant Malkor dans ses songes. Ce futur semblait être triste, solitaire et irréversible. La vie du démon était ennuyante, alors il plongeait son esprit dans les limbes, toujours plus profondément pour fuir cette réalité qu'il ne parvenait pas à apprécier. Il pouvait avoir ce qu'il désirait, mais tout ce faner à son approche. On le craignait, et hormis Serpent, les autres mortels l'ennuyaient, même les quelques assassins qui vinrent à lui.
Pouvez-vous avoir une idée de ce que représente presque un demi-millénaire à vivre dans la même ruine ? Pouvez-vous ne serait-ce qu'imaginer un tant soit peu la solitude qu'on y ressent ? Malkor était patient, mais il en eut assez.

Voilà 450 années, qu'il restait caché dans les ruines de la forêt, l'ennui était à présent trop grand, il en avait assez. Avançant vers la sortie du temple, les crânes pendant à ses vêtements cliquetant, Serpent vînt glisser devant l'entrée, pour l'arrêter dans un sifflement curieux.

"-Je veux partir, Serpent.
-Maître, vous ne devriez pas, faites moi confiance."

Le visage qui était devenu au fil des siècles, inexpressif, fronça alors ses sourcils vers le démon qui se contracta de crainte. Devant la colère montante de Malkor, des ombres glissaient sur les parois du hall, un froid mordant apparaissant également mais Malkor se retourna, s'apaisant rapidement. Pour lui, Serpent était la figure paternelle qu'il n'avait jamais eue, et il lui obéirait pour cette fois. Cependant, Azmoès comprit qu'il ne pourrait garder sous contrôle encore bien longtemps, son Maître, car lui-même arrivait à la fin de sa vie.